Hello tout le monde,
Je suis très heureuse de partager avec vous une nouvelle série d’articles sous la forme d’interview avec des créateurs engagés pour une mode bienveillante et responsable. J’ai eu le plaisir d’échanger avec Marine Baris, créatrice de SO WHAT Jewelry, une jolie marque de joaillerie éthique et éco-responsable. Et oui, la mode, ce n’est pas seulement le textile ! J’ai le sentiment que l’on entend moins parler de l’impact écologique et humain de nos bijoux, et pourtant ils ne sont pas moins innocents. A quand le hashtag #WhoMadeMyJewelry ? 😉
Marine a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à mes questions sur le monde feutré de la joaillerie et partager avec nous son expérience en tant que créatrice d’une marque responsable.
J’espère que cette interview vous aidera à mieux comprendre les enjeux autour de la joaillerie, et surtout envie de soutenir cette marque en plein développement. Bonne lecture !
1. Qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans l’aventure SO WHAT Jewelry ?
Un ensemble de choses. Disons que le projet a évolué avec le temps. Au début, j’avais envie de faire de l’artisanat, de fabriquer, de retrouver un lien avec le produit de mon travail. J’avais également envie de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale, être indépendante et avoir la sensation de créer de la valeur.
En parallèle, j’ai commencé à m’informer et regarder des reportages sur les matières premières. J’ai alors pris conscience que je ne souhaitais pas juste faire des bijoux. Je voulais également m’assurer de la traçabilité de ma production et ainsi ne pas participer à un système opaque.
J’ai beaucoup aimé découvrir l’univers de l’artisanat. On rencontre de sacrés personnages, des personnalités atypiques qui ont de l’or dans les mains. J’ai aussi réalisé qu’il y avait un chantier énorme pour faire évoluer les mentalités sur pas mal de sujets. C’est un défi qui me motive. Je suis sûre que l’on peut changer les choses… mais c’est vraiment fatiguant !
2. Quel message souhaites-tu faire passer à travers SO WHAT Jewelry ?
Il y a plusieurs messages que je souhaite faire passer :
- On est libre de ses choix et d’être ce que l’on est.
- Il est possible de faire les choses autrement. Même si ça semble difficile de faire bouger les lignes, il faut s’en donner les moyens et essayer!
3. Pour toi, c’est quoi la bijouterie / joaillerie éthique et responsable?
Un casse-tête ? Un idéal ? 😉
Pour le moment c’est surtout faire du mieux que l’on peut en composant avec la réalité, tout en essayant en permanence de s’améliorer. En tant que créatrice de joaillerie éthique il y a plusieurs étapes pendant lesquelles je dois être vigilante, et ça commence par le choix des matériaux que j’utilise (métal/pierre). Je pense que les enjeux sont les plus importants à cette étape. Le sourcing (ou approvisionnement) dépasse largement le métier de joaillier ou de bijoutier et demande constamment de se remettre en question.
L’étape de fabrication du bijou, et en particulier les conditions de travail des ouvriers, est également importante dans la joaillerie éthique, mais plus simple à gérer dans mon cas car je fais tout moi-même.
4. Comment expliquer qu’il est si difficile d’assurer la traçabilité des pierres ou des matériaux utilisés en joaillerie ?
Comme pour toutes les ressources naturelles, on entre dans des considérations géopolitiques très complexes. Je ne suis pas spécialiste mais je pense que le commerce des pierres et des métaux précieux est historiquement l’un des premiers à s’être étendu à l’échelle mondiale.
Les régions où se trouvent les pierres ont une histoire compliquée. Ce sont souvent des zones pauvres, marquées par de fortes inégalités ou des conflits. La corruption est également très présente et les droits de l’Homme pas toujours respectés.
Une autre source d’explication réside dans la nature même des matières. On parle ici d’extraire des pierres de la nature, ce n’est pas aussi simple que de faire pousser des légumes ! Il faut trouver des minerais (ou les pierres directement) et les gisements ne sont pas intarissables.
5. Avec quels métaux et pierres travailles-tu principalement ? Quels sont tes critères de sélection ?
Les pierres.
Pour ma première collection, j’ai utilisé des pierres qui venaient des USA : les Oregon Sunstones et des Turquoises Mohave. Il faut savoir qu’il n’existe des certificats d’authenticité que pour les pierres de grande valeur. Pour le reste, il faut faire confiance à ses fournisseurs sur l’origine des pierres (marchands de pierres ou la mine directement). En ce qui me concerne, j’exige toujours d’avoir une traçabilité sur l’extraction et la taille.
En termes de technique de fabrication, j’ai recours à la méthode de la fonte à la cire perdue. Elle consiste à faire une maquette en cire du bijou que j’ai imaginé, puis donner cette maquette à un fondeur qui va en faire un moule dans lequel il fera couler le métal et donner ainsi vie au bijou. Note : pour en savoir plus sur cette technique, je vous recommande cet article.
Les métaux.
En ce qui concerne les métaux, ils sont difficilement traçables donc j’essaie de faire au mieux avec l’offre sur le marché. Il faut aussi savoir que les choix sont également dictés par la technique utilisée pour fabriquer les bijoux. Je m’explique. On achète en général le métal chez un raffineur, puis on l’emmène chez le fondeur pour le couler dans un moule. Or le fondeur va construire ce qu’on appelle des « arbres à cire », c’est-à-dire une tige sur laquelle il va regrouper les maquettes des différents artisans qui lui ont passé commande, et en faire ensuite un grand moule dans lequel il va couler le métal. Par conséquent, si je lui apporte du métal extrait de façon responsable, et qu’il est ensuite mélangé avec des métaux qui ne le sont pas, ça n’aura servi à rien !
Pour ma dernière collection intitulée La Base j’ai choisi de travailler directement le métal. Comme la technique est différente de celle évoquée au dessus, j’ai pu choisir de l’argent « Reponsibly Mined » provenant de la mine de Sotrami, au Pérou. Je suis ravie d’avoir accès à cet argent certifié, mais mes coûts de production sont impactés … et beaucoup plus élevés. Note : l’argent Responsibly Mined est en général 5 fois plus cher que l’argent non certifié.
Enfin, j’aimerais proposer une collection d’alliances, et là encore il faut que je fasse des choix en termes d’approvisionnement pour l’or. Je pense notamment me procurer de l’or labelisé FAIRMINED. Note : ce label garantit la provenance de l’or produit par des mines gérées de façon responsable, artisanale et à petite échelle. L’or ainsi extrait contribue au développement social et à la protection de l’environnement.
6. Quels sont les challenges que tu as rencontrés pour produire de façon éthique et éco-responsable ? As-tu dû faire des concessions ?
Je dirais que le plus compliqué a été de trouver les bons fournisseurs. Si je ne me préoccupais pas de la provenance de mes matériaux, ma vie serait bien plus simple et ce que je fais beaucoup plus rentable ! Alors oui, j’ai dû faire des concessions (pour l’argent de ma première collection notamment, comme je l’expliquais plus haut), mais elles sont temporaires. SO WHAT Jewelry a 5 mois à peine, il faut que je construise la marque au fur et à mesure, tout en gardant mon objectif de joaillerie éthique en tête.
7. Existe-t-il des labels ou des certifications pour guider le consommateur qui voudrait acheter un bijou responsable ?
En ce qui concerne le métal, le label FAIRMINED est une référence, mais il concerne principalement l’or. Le label impose un cahier des charges très précis qui garantit que les mines sont gérées de façon responsable. En tant que créateur, là où ça se complique c’est de trouver un fournisseur (fondeur) qui travaille avec ce type de métaux, et à Paris nous ne sommes pas très en avance là-dessus.
8. On entend beaucoup parler d’upcycling en ce moment dans la mode (fabriquer du neuf avec des matières récupérées). Penses-tu que l’on puisse faire la même chose en joaillerie ?
Bien sûr ! Amener d’anciens bijoux pour les faire fondre et fabriquer une nouvelle pièce, c’est quelque chose qui existe depuis longtemps. On peut ainsi « upcycler » des bijoux en or ou en argent.
9. Aurais-tu des documentaires à nous recommander pour mieux comprendre ce qui se passe dans les coulisses de la joaillerie ?
Il y a ce reportage produit par Arte, La Rage de l’Or. Il dévoile les scandales autour du marché de l’or, son commerce notamment en Afrique du Sud, et l’impact sur les populations. Assez édifiant.
Note : le reportage est en deux parties. La première, « Les Barons de l’Or » (à retrouver ici) se penche sur les prospères industriels de l’or, et interroge sur la manière dont le cours de l’or est historiquement fixé à Londres par une poignée de banquiers.
Le deuxième volet, intitulé « Les forçats de l’Or » (à retrouver ici) s’intéresse aux mines artisanales, légales ou clandestines, et les conditions de santé et de sécurité des hommes – parfois même des enfants – qui y travaillent.
Kombini a abordé les grands enjeux autour de ce documentaire en interrogant Sally Blake, la réalisatrice. Vous pouvez retrouver l’interview ici.
10. Aujourd’hui, qu’est-ce qui te donne bon espoir que la joaillerie évolue vers des pratiques plus responsables ?
La demande croissante des consommateurs pour des produits responsables. Je pense que c’est un signal très positif qui va finir par faire évoluer le secteur vers joaillerie éthique et éco-responsable.
J’espère que cette interview vous aura plu. Un grand merci à Marine pour nous avoir expliqué sa démarche et sa vision de la joaillerie éthique et responsable.
SO WHAT Jewelry est actuellement en campagne de crowdfunding sur Ulule. Si vous souhaitez soutenir le développement de la marque n’hésitez pas à visiter sa page ici et profiter des pré-ventes de la nouvelle collection à prix réduit. Le reste de la collection est disponible ici sur le site de la marque.
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Pour aller plus loin je vous conseille également le guide « Acheter neuf et éthique » disponible ici.