Le pouvoir du consomm’acteur sur l’industrie de la mode

Depuis une vingtaine d’années, l’industrie de la mode s’est emballée. Les grandes enseignes se sont lancées dans une équation frénétique : celle de produire plus vite, moins cher, de moins bonne qualité, et de façon moins regardante sur les conditions de fabrication et les impacts environnementaux générés.

Et cela a un coût : conditions de travail déplorables, pollution des eaux et des sols, émissions de gaz à effet de serre massives, mise en danger de la biosphère, décharges qui croulent sous les déchets textiles, gaspillage de vêtements invendus qui finissent directement brulés à la décharge…

Alors, face aux dérives de ce système, nous pouvons nous demander comment être un consomm’acteur ? Comment faire pour ne plus cautionner ce modèle de production destructeur ? Comment faire pour soutenir une mode plus juste ? Comment faire pour que moi, à mon échelle, j’ai le pouvoir de changer les choses ?

Je vais vous montrer que c’est possible – et cela n’implique pas d’aller vivre nu dans une grotte au fin fond du Larzac.

Prendre du recul sur sa consommation

La fast-fashion illustre cette société de consommation qui, par le biais de la publicité, attise nos désirs de consommation et nous fait croire que nous serons plus heureux et épanouis en achetant les produits de ses enseignes.

Business through advertising has pulled society along into this belief that happiness is based on stuff […]. We want to encourage our customers to think twice about those assumptions, to understand where they came from. And through that understanding, to know that we can all together change how this is done. – Rick Ridgeway, VP Environmental Affairs chez Patagonia

Source : The True Cost

La Fast-fashion joue sur les phénomènes de mode, et la mode ça se démode. C’est d’ailleurs le postulat sur lequel le système fonctionne. Plus les changements de collection sont rapides, plus les clients renouvellent leur garde-robe… et plus les marques font du profit, en surfant sur l’obsolescence des vêtements qu’elles auront elles-mêmes créée.

Cela explique aussi la course à la réduction du coût de production et la qualité toujours moindre. Si les prix sont aussi bas, c’est pour que le consommateur n’ait plus vraiment de question à se poser devant un tee-shirt à 5€. A ce prix-là, plus besoin d’en avoir vraiment besoin (ou envie), on l’achète.

Voilà pourquoi la première étape vers une consommation plus raisonnée, c’est de s’interroger sur la motivation qui nous pousse à acheter, et nos besoins réels.

Et quand on entend qu’on ne porte que 30% de sa garde-robe en moyenne, ralentir les achats compulsifs c’est une bonne façon de réduire son impact… et faire des économies !

Prendre conscience qu’acheter, c’est voter

Être acteur de sa consommation, c’est aussi comprendre que nous, en tant que consommateurs, nous sommes en position de force. Si les marques dépensent des fortunes en publicité pour nous vendre du rêve, c’est bien parce qu’elles n’existeraient pas sans nos achats.

C’est en prenant conscience de notre pouvoir en tant que consomm’acteur que l’on peut faire avancer les choses. Notre porte-monnaie est un levier d’action, car nos achats influencent le modèle de production des biens que nous consommons.

C’est la loi du marché : plus il y aura de demande pour des produits éthiques et responsables, plus il y aura d’offre. Et moins il y aura de demande pour la fast-fashion, plus les marques se verront contraintes de faire évoluer leurs pratiques. Ce qui implique que le système de production actuel ne changera pas sans nous.

Etre un consomm’acteur, c’est utiliser notre pouvoir d’achat pour faire évoluer les pratiques :

  • En achetant de la seconde main plutôt que du neuf, on vote à notre échelle pour une économie circulaire dont l’objectif est de réduire le gaspillage vestimentaire et le gaspillage des ressources.
  • En choisissant de louer plutôt que d’acheter, même de temps à autre seulement, on envoie un signal fort aux marques. Nous sommes ouverts à l’économie du partage, au collaboratif, plutôt qu’à la sacro-sainte logique de la propriété qui nous fait accumuler et déborder nos penderies.
  • En exigeant des produits réalisés de manière responsable, on promeut un modèle de société basé sur le respect des humains et de la planète.

Il existe une multitude de marques qui œuvrent pour prouver qu’une autre façon de consommer est possible, plus raisonnée et durable. Faute de budgets de communication à la hauteur des enseignes mass-market, elles sont encore méconnues du grand public et ne trouvent pas toujours leur clientèle.

Certaines en ont déjà fait les frais. Je pense notamment à la fermeture de Hylla Penderie qui proposait des vêtements vintage à la location, ou plus récemment l’Habibliothèque, qui mettait à disposition sous une formule d’abonnement les marques préférées des parisiennes trendy. Il y a également eu la fermeture d’Honest by, une marque belge qui jouait la carte de la transparence de façon très poussée, ou encore Made & More qui a failli faire faillite.

Alors pour éviter que cette liste ne s’allonge, il suffit de réserver une partie de son budget shopping à ces marques ! En choisissant d’acheter leurs produits, on soutient la création qui a du sens et on vote pour un monde plus juste.

La révolution dans la mode est en marche

D’une prise de conscience …

En 2013, on venait tout juste d’assister, effarés, à la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh. Un immeuble délabré dans lequel travaillaient 4 000 ouvriers textile s’est effondré sur ses occupants, faisant 1 1127 morts et plus de 2 000 blessés.

Suite à la plus grande catastrophe de l’histoire de l’industrie textile, les défenseurs de la mode éthique se sont rassemblés pour demander plus de transparence, de meilleures conditions de travail et des mesures de protection de l’environnement.

Je pense notamment au collectif The Fashion Revolution dont la campagne #whomademyclothes incite les consommateurs à contacter directement les marques pour réclamer plus de transparence sur la chaine de production. Si vous voulez en savoir plus sur leurs actions, ils ont préparé un petit guide pour les « apprentis fashion révolutionnaires » disponible ici.

On peut également citer l’implication de Greenpeace et sa campagne « detox my fashion » qui lutte contre l’utilisation de produits chimiques toxiques et leur rejection dans la nature, ou encore Ethique sur l’Etiquette qui met l’accent sur les droits des travailleurs du textile.

S’informer ou s’engager par le biais de ces associations ou ONG, c’est un bon moyen de faire pression sur les marques et les interpeller sur leurs pratiques peu scrupuleuses.

… Au développement d’une offre éthique et durable

Face à ces initiatives citoyennes, et à la demande grandissante des consomm’acteurs pour plus de transparence et des produits plus éthiques, l’industrie de la mode a aujourd’hui conscience que le marché évolue et qu’il faudra y répondre en adaptant l’offre.

86 % des consommateurs indiquent vouloir de la transparence sur les prix, qu’il s’agisse du coût des matériaux, de la fabrication ou encore du transport.

Source : l’Institut de la mode

C’est d’ailleurs l’objectif du Global Fashion Agenda. Créé en 2016, cet organisme élabore une réflexion commune sur la mode durable afin de transformer les modes de production et de consommation actuels. Il a ainsi obtenu la signature de 94 entreprises qui se sont engagées à accélérer d’ici 2020 la transition vers une mode plus circulaire. Ces marques vont notamment promouvoir l’éco-conception, la collecte et la revente de vêtements usagés et l’utilisation de fibres recyclées. Une démarche appuyée notamment par Asos, Bestseller, H&M, Kering, Li&Fung ou encore Nike.

Il reste cependant énormément de chemin à parcourir pour que l’ensemble de l’industrie s’investisse dans la mode responsable. D’après une étude menée par l’IFM, « seulement 8% des enseignes placent le développement durable au cœur de leur stratégie en 2019. » L’étude souligne également la réalité actuelle sur le manque de transparence dans les chaines de production. Seulement « 65,2 % des distributeurs français d’habillement indiquent connaître la société produisant les tissus pour leurs vêtements.»

Dans le même temps, nous voyons aussi éclore des initiatives positives chez certaines grandes marques. Je pense notamment à Bocage, première marque de chaussures en France à proposer un système de location de souliers neufs et d’occasion dans ses boutiques. On peut aussi citer Kering, un des plus gros groupes de luxe au monde, qui est en train de réfléchir à un système d’abonnement parmi ses marques. Les marques Sézane et Balzac Paris elles se sont engagées à produire des collections 100% éco-responsables.

Ces initiatives sont pleines de promesses pour le futur, tout comme la multitude d’autres projets qui apparaissent à un rythme soutenu et sous de multiples formes : éco-conception, upcycling, circuits courts, recours à des matières recyclées, fibres textiles innovantes, économie du partage. L’offre éthique et durable est certes encore minoritaire, mais elle est en plein développement et plus que jamais d’actualité. A nous, de la soutenir pour qu’elle devienne la nouvelle norme !

Et si vous cherchez l’inspiration pour passer à l’action, je vous invite à me suivre dans la prochaine série d’articles. Je vais vous proposer 16 alternatives à la fast-fashion pour vous montrer que la mode responsable est à portée de tous.

Stay tune !

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